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dimanche 4 octobre 2015

Kenizé Mourad - De la part de la princesse morte

    Dadée II le retour, me direz-vous... en effet, ces derniers temps, j'ai vraiment eu du mal à poster. Trop de travail, pas le temps, et une panne de wifi n'y sont pas étrangers. Du coup, je ne sais pas trop si je pourrai garder un rythme régulier... Enfin, pendant tout ce temps, j'ai quand même lu 8 livres ! (Eh oui, quand on n'a pas Internet, on s'occupe comme on peut ;).) Donc, voici l'article sur un livre que j'ai lu il y a assez longtemps.

Titre: De la part de la princesse morte
Auteur: Kenizé Mourad
Genre: biographie romancée
Date de publication: 1987
Langue: français

Résumé
    Née dans un palais d'Istanbul, capitale de l'Empire ottoman, au début du XXème siècle, la princesse Selma aura un destin atypique. Fille d'une sultane au caractère bien trempé, la petite fille traverse la période difficile de la guerre de 1914-1918, avec l'occupation de l'Empire ottoman par les occidentaux vainqueurs et la prise de pouvoir de Kemal Pacha, qui chasse la dynastie ottomane. Alors qu'elle est encore petite fille, elle doit s'exiler avec sa mère et son frère au Liban. Malgré quelques discriminations et brimades, malgré la pauvreté qui gagne sa famille, ce sont des années plutôt heureuses qu'elle y passe: jeune fille, Selma est très admirée et court les bals de Beyrouth. Elle jouit d'une certaine liberté qui lui manquait à Istanbul, où les femmes devaient sortir voilées ou rester confinées dans le haremlik. Cependant, la vie qu'elle mène lui pèse: la princesse aspire à un destin grandiose. C'est ainsi qu'elle accepte d'épouser un rajah qu'elle n'a jamais vu et de partir pour les Indes.
Mon avis
   Tout d'abord, l'aspect historique de ce roman n'est pas dépourvu d'intérêt. En effet, l'histoire de l'empire ottoman est souvent mal connue en France; elle n'est pas ou peu enseignée à l'école (ou on n'en garde pas un souvenir impérissable). Aussi, ce roman permet d'avoir un éclairage sur le passé de ce grand pays aux portes de l'Europe. De plus, en ce XXème siècle agité traversé par cette héroïne, l'Empire ottoman n'est pas la seule contrée agitée par une révolution: Selma traverse aussi la lutte pour l'indépendance indienne; et le roman offre aussi de découvrir un
de ses aspects moins évidents, c'est-à-dire les relations entretenues par les rajah, l'aristocratie locale, et les Britanniques. En cela, le roman m'a beaucoup intéressée.
   En outre, De la part de la princesse morte est aussi un roman sur le monde musulman. J'ai découvert le mode de vie à l'orientale, avec les harems, un monde de femmes qui ne restent pas passives, loin de là, mais font souvent montre de plus de volonté que les hommes, mais aussi les nombreuses restrictions et brimades dont y sont victimes les femmes. La souffrance de Selma, femme indépendante, d'être privée de liberté, d'être considérée comme une éternelle mineure à surveiller, fend véritablement le cœur. A travers l'évocation des tensions religieuses en Inde, j'ai aussi beaucoup appris sur les différences entre sunnisme et chiismes, qui m'avaient longtemps laissée perplexe.
   Mais, outre l'aspect historique, certes très présent, ce livre est également, en quelque sorte, un roman. Roman d'apprentissage pour Selma, passée des honneurs à la déchéance sociale, qui découvre les premiers émois amoureux et les difficultés de la vie de couple, ainsi que les ravages de la passion. C'est également un roman qui constitue un véritable hymne à la femme, à sa liberté, à sa volonté, à sa capacité d'empathie, à son courage et sa fierté aussi, qualités dont savent faire preuve Selma et sa mère.
   Mais toute ma sympathie est allée au personnage de Zeynel, eunuque du harem, resté jusqu'au bout fidèle à sa sultane. Son amour sans espoir, plein d'une frustration douloureuse, pour la mère de Selma, dont il a la douleur de voir qu'elle ne le considère pas véritablement comme un homme à part entière, m'a bouleversée. C'est, je trouve, un personnage plein de complexité et de subtilité, un personnage rongé aussi, par cet amour impossible. En cela, il est vraiment original.
   Pour conclure, il s'agit d'un roman passionnant, d'un style très agréable, qui apporte un éclairage historique sur des périodes méconnues sans tomber dans le pompeux ou l'ennuyeux, et c'est pour cela que je l'ai bien apprécié. Je me permettrai uniquement un petit bémol pour quelques passages de la partie indienne qui m'ont paru parfois un peu répétitifs, et pas toujours très clairs. C'est uniquement pour cela que je ne lui donne pas la note maximale.

Mon verdict
   4/5, historiquement éclairant

samedi 5 septembre 2015

In English - Mary Higgins Clark - A cry in the night

   I would like to share with you a typical holiday book. OK, I know the holidays are over... but let's make them last a little with this article about a mystery novel.

Title: A cry in the night
Author: Mary Higgins Clark
Genre: mystery novel
Year: 1982
Country: USA
Summary
   Jenny Mc Partland is a divorced mother of two little girls. Her struggle with poverty brutally comes to an end as she falls in love with Erich Krueger, a rich painter who is passionately in love with her too, marries her and adopts the children. Jenny follows him and stays in his gigantic farm in Minnesota. But Erich becomes extremely possessive, doesn't allow her to go outside the property, and Jenny feels suffocated in this strange atmosphere, haunted by Erich's dead beloved mother. Moreover, Jenny's ex-husband is prowling around the place. The fairy tale will turn into nightmare as Jenny becomes more and more paranoid.
My opinion
    First, the atmosphere of the novel is fascinating. This strange house, full of the memory of a dead person, is really sinister and creepy. The really fast passage from hapiness to fear is remarkable. The characters are excellent too: the happy Jenny, who turns out to be so nervous, and the dark Erich and his morbid fascination for his dead mother.
    What's also crucial in a mystery novel, the suspense is extremely big. Itis litterally impossible to put the book down. The mystery remains until the very end of the novel, which is, of course, stunning.
    I really like in this novel this psychological aspect about paranoia, amnesia, and other psychological pathologies presented in the book. It is always extremely interesting.
    I really loved this novel and would warmly recommand it to anyone who likes chills ! But don't read it alone in the house at night as I did...

To conclude
   5/5, frightening
   I would like to tell you that as I am now in Terminale S, I will have to work A LOT, so I don't know if I will be able to read as many books as I used to, and regularly post articles on this website. I fear I won't post every week anymore, but rather once in two weeks. Anyway, I will try my best to post every week, but I can't be sure of anything. I hope you won't hold that against me and continue to follow the blog. Thank you all for your support and thanks to everyone who clicked on any of my articles :)
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Thank you !

dimanche 23 août 2015

Jean Anglade - Le temps et la paille

  J'ai toujours aimé la littérature du terroir, Michelet, Anglade, etc... J'ai donc lu récemment ce roman de Jean Anglade, auteur auvergnat originaire de l'Allier.

Titre: Le temps et la paille
Auteur: Jean Anglade
Genre: roman
Date de publication: 2006
Pays: France

Résumé
   Jacques Saint-André naît pendant la Grande Guerre dans l'Allier, d'un père maréchal-ferrand et d'une mère qui avait déjà perdu une fille quelques années auparavant. Son enfance se passe, tranquille, dans son petit village, et sa maîtresse d'école, qui lui promet un avenir brillant, pousse ses parents à le faire étudier. C'est ainsi qu'il devient professeur d'histoire au lycée de Tunis. La Seconde Guerre mondiale n'aura pas marqué sa vie outre mesure, heureux qu'il était auprès de sa jeune épouse Henriette. Il retournera ensuite dans sa chère Auvergne pour exercer au lycée de Clermont-Ferrand. Les années passent, des enfants naissent au foyer puis s'en vont. Après la mort d'Henriette, Jacques devra surmonter la solitude qui l'attend.
Mon avis
   Vous avez dû vous en rendre compte à la lecture du résumé, ce roman raconte une histoire ordinaire d'un homme qui a traversé le XXème siècle. Cette histoire est TRES ordinaire. Trop peut-être, si bien qu'il ne faut pas attendre du roman des précisions historiques sur ce siècle. En effet, le personnage s'implique peu dans l'Histoire, même s'il l'enseigne. Son histoire personnelle n'a rien d'extraordinaire non plus: pas de personnage torturé, de soucis d'argent ou de passions dévorantes. Non, le personnage principal n'est pas vraiment propre à exciter l'intérêt du lecteur, il faut l'avouer. Sa vie est la même que celle de millions de Français du siècle passé.
   La partie intéressante du roman, à savoir la fin sur la vieillesse, est pourtant assez curieuse et intéressante, mais elle est expédiée en quelques chapitres d'une longueur ridicule, ce qui est dommage.
   Ceci dit, on finit par s'attacher à ce personnage parfois tendre et non dépourvu d'humour, si bien que les 300 pages du roman filent en définitive assez vite. D'un certain côté, c'est peut-être mieux. 
   J'ai beaucoup apprécié l'allusion à la controverse archéologique au sujet des fouilles préhistoriques de Glozel, ce mystère de la paléontologie m'avait passionnée et j'ai été heureuse de retrouver quelques lignes à ce sujet dans ce roman.
   Le véritable intérêt de ce roman réside en l'évocation nostalgique d'un monde disparu, vraiment différent de celui d'aujourd'hui, avec le passage sur la Tunisie française par exemple, ou simplement ces campagnes aujourd'hui mornes et vidées à l'heure où elles étaient encore animées d'une vie simple mais chaleureuse. Ceci dit, j'ai eu l'occasion de lire des dizaines de romans de Jean Anglade, et à chaque fois, c'est plus ou moins toujours la même atmosphère, qui n'a rien d'original mais que l'on a malgré tout plaisir à retrouver.

Mon verdict
   2,5/5, rien d'extraordinaire

 

lundi 17 août 2015

Jean Giono - Le Hussard sur le toit

    Encore une fois, j'ai une semaine de retard... mais que voulez-vous, ma vitesse de lecture dépend de l'intérêt que je porte au roman en cours ! Aujourd'hui, c'est sur un roman de Jean Giono, Le Hussard sur le toit, que je vais écrire.

Titre: Le Hussard sur le toit
Auteur: Jean Giono
Genre: roman d'aventures
Date de publication: 1951
Pays: France

Résumé
   Angelo, fils naturel d'une duchesse italienne et jeune colonel de hussards, doit s'exiler en France après un duel avec un opposant des carbonari, membres d'une société secrète pour l'unité italienne. Il parvient dans le Midi alors même que la région est dévastée par une terrible épidémie de choléra. Après une nuit passée à chercher des survivants dans un hameau dévasté en compagnie d'un médecin français qui contracte aussitôt la maladie et y succombe, Angelo parvient à Manosque. Suspecté d'être un empoisonneur de fontaines, il soit se réfugier sur les toits pour échapper aux gendarmes et à la foule en proie à la panique. Il y fera la rencontre d'une jeune femme, Pauline de Théus, auprès de laquelle il continuera son voyage de retour dans sa mère patrie.
Mon avis
   D'après les premières lignes qui introduisent cet article, vous devez vous douter que ce roman ne m'a pas outrageusement passionnée. Le premier grief que j'ai contre lui est la trop grande complexité de la sous-intrigue, c'est-à-dire la lutte d'Angelo pour une république italienne. Je n'ai compris qu'au bout de 200 pages environ ce qui avait conduit Angelo à s'exiler en France, et quant à la lettre rendant compte de ses menées clandestines pour l'unité de l'Italie qu'envoie sa mère à Angelo, je suis toujours dans la plus grande perplexité. Même si cette lutte est évoquée relativement souvent, le lecteur sait finalement très peu de chose à ce sujet, alors que c'est tout de même ce qui motive les déplacements difficiles d'Angelo dans un pays dévasté par le choléra. Je suis donc en proie à un sentiment de frustration à ce sujet.
   Autre chose. Le personnage d'Angelo, ce jeune idéaliste généreux et enthousiaste, m'a profondément exaspérée, malgré ses indéniables qualités. En effet, j'ai trouvé ce personnage absolument bouffi d'orgueil, au point qu'on peut légitimement se demander si les plus généreuses et nobles de ses actions ne sont pas uniquement destinées à renforcer la déjà haute opinion qu'il a de lui-même. A mon sens, il frôle parfois le ridicule, et cette hypocrisie du personnage, qui n'est pas consciente chez lui, a suffi pour me le rendre antipathique.
   En ce qui concerne le style, je n'ai pas non plus apprécié les dithyrambiques descriptions de la nature, qui emploient pléthore d'adjectifs, au détriment de la simplicité et de la recherche du mot juste chère aux poètes.
   Le seul passage qui a excité mon intérêt sont les péripéties qui se déroulent à Manosque, et les quelques réflexions sur les mouvements de foule, qui, il faut le dire, sont assez justes je pense.
   J'ai donc lu ce roman avec ennui, en comptant les pages qui me restaient, surtout à la fin où une sorte d'élucubration d'un personnage sur le caractère psychologique a constitué le point culminant de ma lassitude. Quelle chance j'ai eu de ne pas avoir ce roman au bac... Sur le même thème, j'ai bien mieux apprécié La Peste de Camus, que j'ai trouvé plus intéressant philosophiquement parlant.

Mon verdict
   2/5, ennuyeux

mardi 4 août 2015

Alessandro Baricco - Mr. Gwyn

   Alors oui, je sais, j'ai un peu de retard. Mais que voulez-vous, je suis en vacances non ? Enfin voici mon avis sur un livre récent que l'on m'a offert, et dont je ne connaissais pas du tout l'auteur.

Titre: Mr. Gwyn
Auteur: Alessandro Baricco
Genre: roman
Date de publication: 2011
Pays: Italie

Résumé
   Jasper Gwyn, écrivain reconnu, décide un jour d'arrêter d'écrire, principalement par lassitude du monde de l'édition. Seulement une question se pose alors, que fera-t-il ? Après des mois de dépression, Jasper Gwyn a une illumination: le métier de copiste lui plairait beaucoup. Mais que copier ? Une vieille femme le met sur la voie, pourquoi ne copierait-il pas les gens ? Mr. Gwyn décide donc de réaliser des portraits écrits sur commande, selon une méthode assez particulière.

Mon avis
    J'ai trouvé ce roman particulièrement intéressant, notamment parce qu'il aborde des sujets qui ne peuvent manquer de passionner une mordue de littérature, à savoir la perte de l'inspiration et l'innovation littéraire. En effet, la façon dont Gwyn prépare son atelier est très poétique, imaginative et laisse deviner au lecteur quelles peuvent être les conditions physiques nécessaires à l'inspiration. De même, l'angoisse dont est saisi le héros alors qu'il ne sait plus comment créer pour se renouveler est particulièrement poignante et bien décrite, on sent bien que Gwyn est complètement paralysé par son impuissance à s'exprimer de la façon qu'il a choisie, la littérature.
   J'ai également ressenti beaucoup d'intérêt face à la thèse de Jasper Gwyn qui fait "poser" ses modèles nus, car il est convaincu que le caractère et l'essence même d'une personne transparaît pour l'essentiel à travers son physique, ses attitudes, sa démarche. Selon moi, Jasper Gwyneth rend ainsi ses lettres de noblesse au corps et souligne l'étroite symbiose entre le corps et l'esprit. De même, ce en quoi consiste ces fameux portraits m'a beaucoup surprise, et tout ceci contribue énormément à conférer au roman un aspect très poétique et spécial.
   Le personnage de Rachel, belle jeune femme trop grosse et pleine de frustration, a aussi beaucoup retenu mon attention, je l'ai trouvé complexe et fascinant.
   Le style est très agréable à lire, avec parfois des pointes d'humour, surtout en ce qui concerne la parfaite connaissance qu'a Gwyn des laveries londoniennes. 
   J'ai donc vraiment beaucoup apprécié ce roman, intéressant, poétique, drôle et bien écrit, et ai bien envie de lire d'autres œuvres du même auteur.

Mon verdict
   5/5, poétique

   Je me rends compte que récemment j'ai mis beaucoup de notes élevées aux romans que j'ai lus. Simplement parce qu'il les méritaient je crois; j'ai eu de la chance de tomber sur d'aussi bonnes lectures. Mais si je me fie à ma lecture actuelle, cet état de grâce ne va pas durer longtemps...


jeudi 30 juillet 2015

Défense et illustration des langues mortes



   Encore un énième texte sur le sujet, opinerez-vous de la tête en rejetant avec lassitude ce modeste article. C'est vrai, pourquoi écrire sur le sujet alors que (presque) tout a déjà été dit ?



   Eh bien parce que j'ose espérer que l'humble opinion d'une lycéenne qui les apprend encore, ces langues mortes, grec et latin depuis cinq ans, n'est peut-être pas totalement dénuée d'intérêt.



   Rappelons le casus belli. Le 11 mars 2015, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education Nationale, présente la nouvelle réforme du collège qui propose, entre autres, la mise à l'écart de l'enseignement du latin et du grec, plutôt rassemblés au sein d'une nébuleuse matière intitulée "Langues et cultures de l'Antiquité" (sic), qui sera enseignée par les professeurs de Français.



   Cela signifierait, personne n'en a été dupe, la suppression pure et simple de l'enseignement de ces langues au collège. En effet, on se doute bien que les professeurs de Français, parmi lesquels d'ailleurs tous ne connaissent pas les langues d'Homère et de Cicéron, se jetteront sur l'aubaine que constituent ces heures nouvelles qui pourraient être utilisées pour boucler leur programme. Autant dire que grec et latin passeront à la trappe.



   Mais après tout, est-ce si grave ? Un nouvel enseignement élitiste vient d'être supprimé; d'ailleurs qui se soucie encore de ces barbons austères sur les textes desquels des générations d'élèves ont planché ? Elèves la plupart du temps contraints par leurs parents, ou qui ne choisissaient l'option latin que pour le voyage à Rome proposé par l'établissement, ou des points supplémentaires faciles à obtenir pour le bac. Des collégiens comme cela, j'en ai connu des quantités. D'ailleurs les langues mortes, c'est bien connu, ça ne sert à rien. Mieux vaudrait apprendre le chinois pour préparer les élèves aux exigences de la  mondialisation.



VETO.



   Primo, l'argument qui vient à l'esprit quand on défend l'apprentissage des langues anciennes, et d'ailleurs le plus utilisé pour convaincre les élèves de les choisir, est celui de l'étymologie. Nul ne méconnaît l'apport du latin et du grec au français. On estime à plus de 80% la proportion de mots dérivés du latin dans la langue française et à 3600 le nombre de mots hérités du grec, sans compter les termes passés texto dans le langage courant: aquarium, auditorium, alibi, agenda, bis, impromptu, libido, catharsis, coccyx, et caetera. A l'aide du grec et du latin, l'élève est ainsi en mesure de comprendre les mots difficiles auxquels il peut être confronté. Vous vous demandez ce qu'est une ploutocratie ? En bon helléniste, vous vous souvenez que  Πλοῦτος (ploutos) signifie richesse et  κρατεῖν (kratein), commander. La ploutocratie serait donc un système de gouvernement qui accorde le pouvoir aux plus riches. Impossible de se souvenir de l'ordre des tuniques du cœur ? Là aussi le grec ancien peut venir à la rescousse: l'endocarde, de ἔνδον, dedans, se situe à l'intérieur, le péricarde, de περί, autour, à l'extérieur et le myocarde, de μῦς, muscle, entre les deux. Latin et grec permettent donc un enrichissement du vocabulaire français, et quand on sait l'effet positif que peut avoir une belle plume, sur une lettre de motivation par exemple, il serait dommage de s'en priver. De même, grec et latin peuvent venir au secours de l'orthographe: si l'on sait qu'un χ grec donne ch en français et qu'un υ donne y, il est facile d'écrire correctement chalcotypie par exemple. Mais ne négligeons pas le fait que la version, l'exercice le plus classique lorsque l'on apprend le grec ou le latin, est d'abord un exercice de français, qui consiste à transformer des tournures idiomatiques propres à chacune de ces langues en phrases françaises correctes. A qui viendrait l'idée de traduire le datif de possession latin par exemple, par quelque chose d'aussi lourd et peu élégant qu' un livre est à moi ? L'exercice de la version permet ainsi de travailler son style.

   Je n'ai pas terminé avec l'étymologie. En effet, le français n'est pas la seule langue qui doit beaucoup au latin et au grec. C'est aussi le cas de nombreuses langues européennes, comme, cela saute aux yeux, l'italien ou le grec moderne, mais aussi l'espagnol ou le roumain, et de façon moins évidente, l'anglais, l'allemand ou le russe. Ainsi l'olive, dérivée du latin oliva, qui provient lui-même du grec  ἐλαίς, élais, olivier, se dit-elle oliv en allemand, olive en anglais, oliva en italien, oliven en Norvégien, et оливка, olivka,en russe. L'apprentissage de l'alphabet grec permet aussi, j'en ai fait l'expérience, de faciliter celui d'un autre alphabet, le cyrillique. Ainsi, latin et grec constituent un apport bénéfique dans la maîtrise des langues européennes, ce qui n'est pas négligeable à une époque où la pratique de plusieurs langues vivantes est indispensable dans le monde professionnel.



   Qui peut nier la place prépondérante qu'occupent les civilisations grecque puis latine dans la construction des identités des peuples du Bassin méditerranéen, de Grande-Bretagne jusqu'en Tunisie et d'Espagne à la Russie d'Europe ? Non contents de nous léguer leur langue, Grecs et Latins ont aussi dispersé des monuments sur tout le pourtour de la Mare Nostrum. Cet héritage gréco-latin a aussi fortement imprégné la pensée occidentale (on peut penser notamment à l'engouement des hommes de la Renaissance pour les auteurs de l'Antiquité). Ainsi, Montaigne se pose en digne successeur des philosophes gréco-latins. La politique a aussi été touchée: d'où vient l'organisation démocratique de nos sociétés sinon des anciennes cités grecques puis de la République romaine ? Le seul nom de Sénat n'est-il pas une antique réminiscence ? Quand on sait ce que l'on doit aux hommes de l'Antiquité, on ne peut pas envoyer aux oubliettes leur civilisation à laquelle nous devons tant. L'homme n'a-t-il pas besoin de s'appuyer sur le passé pour construire l'avenir ? Dans cet héritage est également comprise une culture commune aux peuples de la Méditerranée. Cette culture, que l'on peut s'approprier par l'étude des textes anciens, n'aurait pas comme principal avantage pour les collégiens de leur permettre plus tard de briller en société, comme certains voudraient le faire croire. Simplement parce que la culture, c'est bien plus que cela. La culture, c'est un bagage commun, des références communes, sur lesquelles s'appuie une portion plus qu'impressionnante de notre vie de tous les jours, à commencer par quelque chose d'aussi anodin que la publicité. De même, c'est la culture qui unit les peuples, et pour paraphraser le vieil adage qui s'applique à la musique, on peut affirmer que "la culture adoucit les mœurs", et qu'il n'y a pas de plus efficace remède à la guerre et aux affrontements que la reconnaissance d'une culture commune.



   Tâchons maintenant d'approfondir un des domaines les plus importants auquel s'applique cette culture commune gréco-latine, à savoir la pensée antique. Comment, en effet, faire toucher du doigt aux élèves la rigueur de raisonnement et de pensée des philosophes antiques, sinon en les leur faisant découvrir dans la fraîcheur du texte original ? Et au-delà, on peut gager que le cours de latin ou de grec sera l'occasion rêvée de faire découvrir des auteurs merveilleux et des écoles de pensée captivantes, sur lesquels l'élève n'aurait peut-être pas l'idée de se renseigner de lui-même. La clarté et la mesure qui se dégage des écrits de Platon par exemple, imprégné de la maïeutique de Socrate, ou l'art de "faire accoucher les esprits", ne pourraient que plaire à ceux que l'aspect parfois fastidieux de la philosophie rebute.



   Mais l'enseignement du latin et du grec n'a pas uniquement des fruits purement utilitaires. Il offre aussi l'occasion d'initier les élèves à la beauté des textes anciens, qui ne peut que ravir l'esprit. C'est ici qu'apparaissent les limites de la traduction. Comment en effet rendre l'amère cruauté de la fuite du temps si bien exprimée dans un poème de Rufin contenu dans l'Anthologie palatine: " De ses charmes d’autrefois, rien ne lui reste, pas même en rêve ; elle a de faux cheveux et le visage couvert de rides, comme n’en a même pas un vieux singe", sinon en scandant le texte grec pour en faire apparaître le rythme révélateur ? C'est la même chose pour les réquisitoires de Cicéron contre Verrès, le gouverneur corrompu et pillard de la Sicile, dont on ne peut apprécier la force qu'en étudiant les figures rhétoriques. Ne parlons pas du simple plaisir de découvrir de beaux textes, comme celui de l'orateur Lysiassur le meurtre d'Eratosthène, des pages magnifiques que j'ai eu l'immense chance de découvrir en cours de Grec cette année, et que je vous engage vivement à lire.

   Enfin, et c'est ce qui parle le plus à mon esprit de scientifique, je suis intimement convaincue que  l'apprentissage du latin et du grec permet ce qu'on pourrait appeler une "gymnastique de l'esprit" extrêmement formatrice. J'entends par ce terme une rigueur presque mathématique, tout un travail de décomposition et de raisonnement à partir de règles syntaxiques préétablies. Les déclinaisons latines et la conjugaison grecque dans toute leur complexité constituent autant d'occasion de forcer son esprit à haïr l'à-peu-près et à raisonner avec justesse. Je pense que c'est cette rigueur qu'apprend l'étude des langues anciennes qui constitue le plus grand enrichissement que peuvent retirer les élèves.



   Je suis donc convaincue que la survie des langues anciennes est d'une importance capitale aujourd'hui encore pour des raisons bien plus importantes qu'il n'y paraît, et met en ce jour toute ma confiance en les membres du personnel de l'Education Nationale, persuadée qu'ils auront le courage de résister à cette réforme délétère qui priverait cruellement les collégiens des trésors gréco-latins.

   J'en profite également pour adresser toute ma gratitude à mes professeurs de latin et de grec qui ont su me donner le goût de ces langues magnifiques.

   Voilà un article un peu différent de ceux d'habitude...mais cela faisait longtemps que je voulais m'exprimer à ce sujet ! Maintenant c'est chose faite.

   Liens d’œuvres de  l'Antiquité dont j'ai déjà parlé sur ce blog:
Œdipe-Roi de Sophocle


Au week-end prochain pour un autre billet plus classique !

dimanche 26 juillet 2015

J.M.G. Le Clézio - Ritournelle de la faim

      C'est la première fois que je lis un roman de Le Clézio, prix Nobel de Littérature découvert au détour d'un manuel scolaire. Je vous confie ici mes impressions...

Titre: Ritournelle de la faim
Auteur: Jean-Marie Gustave Le Clézio
Genre: roman
Date de publication: 2008
Pays: France

Résumé
   Ethel est une jeune parisienne, âgée de dix ans en 1931, année où se tient à Paris une Exposition Coloniale. Son grand-oncle, Monsieur Soliman, dont elle est très proche, achète pour elle le pavillon indien, qu'il projette de faire construire sur un terrain qu'il a acheté. Après la mort de son grand-oncle, c'est avec dévotion qu'Ethel se rend en pèlerinage devant les pièces détachées de la maison de ses rêves, accompagnée de sa grande amie, Xénia, une fille énigmatique d'émigrés russes vivants dans la misère. Alors qu'elle grandit, elle supporte de plus en plus mal les conversations stériles de la société que fréquente son père, financiers véreux et antisémites. La Seconde Guerre mondiale qui approche sera le temps pour elle de nombreuse déceptions...

Mon avis
   Tout d'abord, j'ai beaucoup apprécié l'intrigue, histoire d'une déchéance financière, et je crois que cela tient beaucoup aux personnages. En effet, Ethel, le personnage principal, est particulièrement attachante de par sa profonde bienveillance accompagnée d'une certaine soif d'idéal propre à sa jeunesse. Sa progression, son cheminement face aux trahisons qui l'assaillent la rendent digne d'admiration. Ainsi, sa relation assez particulière envers Maude, une ancienne maîtresse de son père tombée dans un extrême dénuement est-elle assez touchante. De même, le personnage de son père, indolent et naïf Mauricien, est, j'ai trouvé, bien croqué, tout comme Xénia, hautaine et assez insupportable, il faut l'avouer.
   J'ai également aimé le style de Le Clézio, très agréable à lire, et ai donc bien aimé ce roman, auquel je n'arrive décidément pas à trouver de défaut.

Mon verdict
   5/5, attachant